De la (bonne) manière d'entreprendre sainement un vol à vue

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Toms
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De la (bonne) manière d'entreprendre sainement un vol à vue

Message par Toms »

En liaison avec la conversation concernant l'emport ou non d'un horizon artificiel, voici un texte déjà publié sur un autre forum et dans un livre (c'est donc du réchauffé). Il résume selon moi le comportement à adopter pour entreprendre un vol à vue. Bien sûr, il n'est pas question d'utilisation de l'horizon artificiel (ni du parachute) dans cet exposé. Tous les avis sont bienvenus.

Tout au long de ma carrière aéronautique, j’ai souvent regretté d’avoir annulé un vol pour cause de mauvaises conditions météo. Pourquoi ? Tout simplement parce que la prévision était bien plus pessimiste que la réalité le jour du départ. Même s’il vaut mieux être au sol en souhaitant pouvoir voler que voler en souhaitant pouvoir être au sol, j’ai fini par adopter un comportement qui m’a permis d’optimiser le rapport vol préparés / vol accomplis tout en garantissant une sécurité totale. La démarche est en fait assez simple.

Grâce aux nouveaux outils de communication dont nous disposons, comme internet, elle commence même de plus en plus tôt. Lorsque le projet de vol concerne plusieurs pilotes, on se retrouve autour d’un ordinateur, parfois une semaine avant le départ. Chacun y va de son interprétation des nombreuses prévisions météo disponibles. On imagine déjà des trajets passant par-dessus, par-dessous, sur les côtés… Si tout cela a l’avantage de renforcer notre cohésion sociale, nous devons quand même attendre un peu avant de pouvoir en faire quelque chose d’utilisable pour le vol lui-même. J’aurais tendance à penser que les choses sérieuses ne commencent que la veille du départ. Il est en effet possible, à ce moment-là, de classer les volable mais délicat par endroits, il faudra faire des choix ; perdu d’avance, il y a toutes les chances que le vol soit annulé.

Il va de soi que seules les deux premières situations ont un intérêt quelconque pour notre sujet. La dernière ne nous laissera que les yeux pour pleurer, même s’il ne faut jamais jeter l’éponge trop tôt. S’il reste le moindre espoir de pouvoir effectuer le vol, il faut rester en permanence « go minded », comme disent nos amis Anglo-Saxons, et se comporter comme si le temps était au beau fixe : préparer à l’avance une navigation scrupuleuse (carte tracée, Log renseigné, points GPS, plus si affinités), se lever à l’heure prévue pour le décollage, se rendre à
l’aérodrome, ouvrir les portes du hangar, même sous une pluie battante ou dans un brouillard à couper au couteau. Le grand dilemme peut alors commencer : « To fly or not to fly, zat iz ze question ! »

En fait, la décision est simple et assujettie à deux facteurs essentiels. Le premier, gravé dans le marbre, est constitué par les minima publiés. Le deuxième, plus subjectif, dépend de l’expérience du pilote. Traitons en premier du deuxième cas, qui coupe court à toute longue discussion. Il faut se rappeler une maxime de base : « Ne jamais se lancer dans une entreprise pour laquelle on ne se sent pas à la hauteur ». Il ne faut pas forcer sa nature au-delà du raisonnable. Le mauvais temps peut imposer de voler à la hauteur minimale réglementaire. Si on
n’est pas à l’aise dans cet exercice par beau temps, il va de soi qu’un bon rideau de pluie ne va pas arranger les choses ! Dans le même ordre d’idée, voler en ayant pour seul horizon
la visibilité minimale règlementaire demande un minimum d’habitude et de méthode. Donc, dans le doute, abstiens-toi !

J’interromps ici la réflexion météorologique pour revenir sur les possibles interactions humaines. Dans ces moments difficiles de prise de décision, il faut se méfier de certaines influences et de certains bons conseils. C’est ce qu’on appelle l’effet « spectateurs ». Que ces spectateurs soient à bord ou au sol, ils risquent fort d’influencer le décideur. Il faut en particulier prendre garde aux commentaires du genre « Vas-y, t’inquiète pas, ça passe ! », ou encore « Moi, à ta place, j’aurais déjà décollé ! » Sans vouloir se transformer en asocial, le mieux est de s’isoler un peu et de demander des conseils à des personnes compétentes… Pourquoi pas à un instructeur ?

Nous sommes donc à présent au pied de l’avion, prêt à partir, mais le temps est loin d’être au beau fixe. Que faire ? Le moment est venu de se poser les bonnes questions. Les minima sont-ils suffisants pour entreprendre un vol local ? Y a-t-il un risque pour que les conditions se dégradent en route ? Suis-je prêt à perdre une partie de la journée à attendre sur un aérodrome intermédiaire que la météo s’améliore ? Imaginons que nous soyons totalement libres et propriétaires de l’aéronef. Si les conditions permettent un vol local en toute sécurité (et même si elles ont l’air mauvaises vu du sol), il est toujours possible de se « mettre en l’air » pour « aller voir ». Il faut se préparer à un simple tour de piste (éventuellement à basse hauteur, comme dans les livres) et entamer une observation dès le décollage. Il faut ensuite se concentrer sur les zones situées dans la direction que va suivre le trajet, mais aussi dans la direction d’où vient
le mauvais temps.

Bien souvent, la différence entre l’impression au sol et l’impression en vol est saisissante ! A 500 pieds, on voit tout de suite si la visibilité et le plafond permettent de sortir du tour de piste. Si les conditions semblent vraiment trop mauvaises, il suffit alors de se poser. Mais dans le cas contraire, pourquoi ne pas prendre le cap de navigation vers le point de sortie de la zone d’aérodrome ? Ceci bien sûr sans jusqu’au-boutisme, sans volonté absolue d’arriver à destination. N’oublions pas que le vol à vue est un moyen de transport rapide pour gens peu pressés. Il faut être prêt en permanence à exécuter un demi-tour. Il est d’ailleurs prudent de jeter un coup d’oeil par-dessus son épaule pour voir de quoi a l’air la zone de départ.

Quand la décision de poursuivre est prise, il faut consacrer toute la rigueur nécessaire au suivi de la navigation. En effet, il vaut mieux effectuer un évitement de mauvaise météo en partant d’une position géographique bien maîtrisée. Ensuite, il suffit de continuer à évaluer les paramètres météo. En ce qui concerne le paramètre vertical, c’est-à-dire le plafond, il faut éviter de se coller aux nuages, ce qui réduit considérablement la visibilité vers l’avant et gêne la détection d’une zone de dégradation. Tant que les éléments peuvent être ainsi maintenus tout en respectant la hauteur de vol, c’est le bonheur ! Pour estimer la visibilité, surtout si elle est proche des minima, il peut être nécessaire d’utiliser son chronomètre. Comment faire ? Tout en volant et en écarquillant les yeux, il faut démarrer le chrono dès qu’on identifie un repère évident sortant de la purée de pois (un château d’eau par exemple). En survolant ce repère, il suffit de lire la valeur mesurée. Dès qu’un des paramètres commence à approcher des minima publiés, il est temps de préparer un demi-tour.

L’exécution d’un demi-tour peut s’avérer plus délicate qu’il n’y paraît. Ce simple virage à 180 degrés doit en effet être exécuté dans un plan rigoureusement horizontal, borné par une couche nuageuse parfois compacte au-dessus, et par le sol, lui aussi assez compact, au-dessous. Si on ne s’est pas entraîné à cette manoeuvre avec un minimum de rigueur, il est très imprudent de compter sur l’utilisation de l’horizon artificiel en pareil cas. Le pilotage sans visibilité n’est pas une discipline qu’il est facile de pratiquer en se basant uniquement sur de vagues souvenirs d’un passé lointain.

Il ne faut donc jamais se mettre volontairement en condition de vol aux instruments. En conséquence, décider un demi-tour exige un minimum d’anticipation. Il est également sage de prévoir la possibilité d’un déroutement. Les dégradations sont souvent temporaires, et une halte en route ne fait généralement pas de mal en pareil cas. En conclusion, une bonne préparation mentale est essentielle à ce genre d’exercice. J’ajouterai aussi que s’il ne faut pas faire preuve de défaitisme tant qu’on est au sol, il ne faut pas non plus tomber dans l’obstination une fois qu’on a décollé. Votre chef pilote ou votre famille préférera toujours apprendre de votre bouche que vous rentrerez un peu tard à cause d’un déroutement météo, plutôt que de découvrir dans les journaux que votre vol s’est terminé au fond d’un ravin…
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coyote
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Re: De la (bonne) manière d'entreprendre sainement un vol à vue

Message par coyote »

Nickel,rien à ajouter.
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Yankeeromeo
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Re: De la (bonne) manière d'entreprendre sainement un vol à vue

Message par Yankeeromeo »

J'y ajouterais que, pour ceux qui ont une radio à bord (même si nous sommes une majorité, ce n'est pas le cas de tout le monde), il y a aussi la possibilité des se faire aider par les contrôleurs...
Ils ne peuvent pas, bien entendu, savoir quelle est la visibilité, là, où on se trouve, mais ils peuvent vous donner les conditions derrière vous et devant vous, et ils peuvent vous localiser sur leurs écrans.
D'accord, ce n'est plus l'esprit ULM, me diriez-vous... mais, AMHA, le plus important est de ne pas se faire piéger, par tous les moyens disponibles...
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Honi soit qui mal y pense !
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Re: De la (bonne) manière d'entreprendre sainement un vol à vue

Message par ERIC 45 »

@Toms +1
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Re: De la (bonne) manière d'entreprendre sainement un vol à vue

Message par Eïsylendahr »

@Yankeeromeo +1

Le pick-up, même si on se sent c.., ça peut bien aider. Mieux vaut avoir l'air c.. 5 minutes que l'être toute sa vie :lol:
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