Présentation du coach II S

[Toms]

[Toms]

Mon père aussi d’ailleurs, avec cette manie de toujours penser que rien n’est irréalisable, a dû participer à assembler en moi cet inconscient pervers. Et puis, il y a mes lectures : combien de fois ai-je lu les livres de Henri Mignet, « Comment j’ai construit mon avionnette » et « Le sport de l’air » ? Le Saint Patron ne dit-il pas, dans un de ses livres, « si vous savez clouer une caisse, vous pouvez construire un avion » ? Bref, dès l’adolescence, j’ai commencé à me dire que ce serait bien si, un jour, j’arrivais à me bricoler mon avion à moi.

[luc 27310]

Merci Laurent, car même si j'ai déjà lu l'histoire de ton coach, je me délecte de retrouver à nouveau ta prose, accompagnée de photos. Mais pardon de t'avoir interrompu, continu, ton récit est toujours aussi passionnant.

Luc

[Toms]

Merci Laurent, car même si j'ai déjà lu l'histoire de ton coach, je me délecte de retrouver à nouveau ta prose, accompagnée de photos. Mais pardon de t'avoir interrompu, continu, ton récit est toujours aussi passionnant.
Luc

C'est toujours un plaisir d'être interrompu par des compliments!




Avant même de commencer à voler, alors que je rêvais entre deux lectures et que je cassais des modèles réduits, j’étais fasciné par un vieux biplan : le Stampe SV-4. Je ne sais pas pourquoi, je trouve ça beau, un Stampe. Déjà, un biplan, ça a du charme. Mais celui-là, en plus, il a de l’élégance. Le SV-4 a donc eu droit à la place d’honneur au sommet de ma « wish list ».

[Toms]

Plus tard, quand j’ai commencé à voler sur planeurs et avions en club, j’ai appris qu’un Stampe n’était pas forcément une partie de rigolade à construire. Pas grave ! Entre temps, j’avais fait la connaissance d’une machine merveilleuse : le Sicile Record. Beau, performant, agréable à piloter, a priori beaucoup plus raisonnable à construire, le Sicile Record est resté dans un coin de mon cerveau comme l’option la plus évidente pour m’aider dans la réalisation de mon rêve.

Il y est même resté pendant plus de dix années, pendant lesquelles j’ai volé sur des avions qui m’étaient prêtés. De beaux, bons avions, certes, mais pas des avions que j’avais vu naître de ma sueur.

[Toms]

Quand mes occupations professionnelles m’ont enfin laissé le temps de me consacrer à la construction, mon projet avait déjà bien évolué. En effet, après avoir fait le tri entre les mauvais et les bons conseils, j’avais décidé de me lancer dans la construction d’un ULM. Il ne me restait plus qu’à établir un cahier des charges. En voici les grandes lignes :
- Biplace, pour promener les enfants
- Côte à côte, pour la convivialité et surtout pour surveiller mon fils autiste et épileptique
- Cockpit ouvert, pour le plaisir
- Train classique, pour garder la main (et les pieds)
- Exotique, pour ne pas faire comme tout le monde.
Au milieu de toutes les brochures que j’ai demandé, celle du Coach retient mon attention.L’idée commence donc à faire son chemin, et j’envoie un courrier au directeur de la société Ehroflug, Kurt Ehrat. Je lui précise que, si les kits ne m’intéressent pas, je suis prêt en revanche à acheter les plans et à tout faire moi-même. Après tout, j’ai quand même cinq ans de chaudronnerie aéronautique dans ma besace. Certes, c’était il y a dix ans. La réponse ne se fait pas attendre : « Mon cher Monsieur, souder un fuselage en tube d’acier est tout bonnement impossible sans bâti. Achetez donc un kit ! ». J’expédie un nouveau courrier en me permettant d’insister… « Vendez-moi ces fichus plans, et laissez-moi faire ! » Je passe évidement un certain temps sans recevoir la moindre réponse. Et puis un jour, miracle ! Une lettre qui ressemble à un cadeau du ciel : « Nous avons dans notre usine un lot de pièces et de matière issu d’une tentative de fabrication en série en République tchèque. Ils ont refusé l’obstacle et ont tout renvoyé pêle-mêle. Si vous voulez, c’est à vous, pour pas cher (10 000 Deutsch Mark de l’époque). » Ces pièces ont été fabriquées en Allemagne, ont fait un aller-retour par la route, et les voilà, en vrac. Plutôt que de tout trier pour essayer de produire un kit conforme au catalogue, ils préfèrent se débarrasser du lot. Ca leur coûte moins cher. Donc je tombe à pic ! Ce qui me plaît aussi dans ce projet, c’est qu’il est fait pour être motorisé par un Volkswagen ou équivalent. Or l’idée d’utiliser ce moteur vieux de soixante-dix ans me parait séduisante. Banco, j’accepte l’offre qui m’est faite… Quand puis-je venir chercher tout ça ?

Nous planifions un départ dès que possible, malheureusement reporté une première fois pour cause de tempête de neige ! Et oui, nous sommes en février, et l’usine où le kit nous attend se trouve à Krumbach, dans le sud de l’Allemagne. Ce n’est que partie remise. Quinze jours plus tard, nous voilà partis avec toute la famille. Pour l’occasion, nous avons loué un Trafic avec galerie, en espérant que tout puisse tenir dedans ! La première étape nous amène à Mulhouse, où nous passons la nuit. Le lendemain, nous traversons la frontière, et pénétrons en forêt noire. Des congères d’un mètre bordent encore la route ! On aurait eu du mal à passer la semaine précédente ! Nous arrivons à Krumbach et trouvons rapidement l’usine. Kurt nous y attend avec son Coach à lui, tout juste sorti de sa remorque de transport mais non assemblé.

Je découvre le kit qui comprend le fuselage soudé à 90 %, toutes les nervures en bois, le capot moteur et les carénages de roue en fibre de verre, les roues, les sièges, les ceintures et tous les tubes nécessaires au reste de la construction. Il y a aussi tout un tas de trucs qui ont l’air d’être des bâtis d’assemblage, mais Kurt n’a pas d’idées précises concernant leur utilité. Pas grave, j’ai payé, j’embarque ! On triera les patates à l’arrivée. J’en profite pour photographier son Coach sous tous les angles, et pour l’admirer avec envie. Je regretterai plus tard de ne pas avoir pris plus de clichés.

[Toms]

Puis vient le moment de penser à charger tout ce bazar. Les tubes qui doivent devenir les longerons sont trop longs pour être chargés dans le Trafic. Ils vont donc voyager sur le toit, ainsi que le fuselage. Tout le reste finit dans le fourgon. Quand le chargement est terminé, force est de constater que l’ensemble à une drôle d’allure. Le fuselage a bien une vague apparence aéronautique, bien que sans entoilage… Tout ça nous promet un certain succès sur la route, ce qui n’est pas pour nous arranger… Nous préférons la discrétion ! Le retour se passe malgré tout sans histoires, à part quelques regards étonnés aux péages ou sur la route. Nous ne sommes pas fâchés de rejoindre notre Sud Ouest.

[oasis]

C'est toujours un plaisir de te lire Toms, tu nous fais rêver et ce au travers d'un appareil que certains ici ne voudrait pas connaître et pourtant si attachant.
Ne t'arrête pas, en te lisant ici nous relisons ce que nous avons déjà lu ailleurs

[Toms]

C'est toujours un plaisir de te lire Toms, tu nous fais rêver et ce au travers d'un appareil que certains ici ne voudrait pas connaître et pourtant si attachant.
Ne t'arrête pas, en te lisant ici nous relisons ce que nous avons déjà lu ailleurs

Merci Oasis!

Après avoir pris un peu de repos, nous déchargeons le matos. Je me rends compte rapidement que l’atelier va être un peu petit. En fait d’atelier, il s’agit d’un de ces garages de maison de lotissement, construit au départ pour abriter une voiture, mais dans lequel on finit par installer une chaudière, un chauffe eau, un congélateur, une armoire… Bref, des 21 m2 d’origine, s’il en reste 15, c’est bien le maximum, et c’est bien peu !

Qu’importe, à cœur vaillant…
Mon premier boulot consiste à trier les tubes, et à les étiqueter pour une utilisation future. Ce tri va me permettre de lister ce qui me manque, et ainsi de préparer des commandes. Ce qui me met face à un premier défi : l’approvisionnement. Dès qu’il s’agit de trouver des trucs sortant un peu de l’ordinaire (tubes fins en acier allié, peintures, visseries spéciales), c’est la croix et la bannière. Je me rends compte qu’il est presque plus simple de commander le matériel aux Etats-Unis !

[Toms]

Autre problème : je manque d’outillage. Je m’équiperai donc au fur et à mesure. Pour le chalumeau, mon copain Tintin a gentiment décidé de me prêter le sien. Je commence donc à m’entraîner au soudage, avant d’attaquer les gouvernes. Première surprise : quand j’étais chaudronnier, j’utilisais un matériel bien différent (un poste TIG professionnel) et sur des épaisseurs plus importantes. Souder des tubes d’acier ayant une épaisseur de cinq dixièmes au chalumeau n’est pas une sinécure !
Enfin, je retrouve doucement ce savoir-faire perdu : les couleurs du métal chaud, le bain de fusion, la caresse de la baguette de métal d’apport… Il est grand temps de créer ! J’attaque en premier les empennages et les gouvernes. Je ne peux pas dire que ça avance les doigts dans le nez, mais bon, ça avance. En revanche, je me transforme petit à petit en ermite ou en moine constructeur. Je m’enferme le soir en sortant du boulot, je ne regarde plus la télé (ce n’est pas une grosse perte, j’avais déjà tendance à la bouder pour préférer lire), je vois d’un mauvais œil les sorties du week-end qui m’éloignent de mon atelier. Attention ! Il va falloir mettre de l’huile, car il s’agit de durer !

[bebe44]

C'est mieux que ... car ici nous avons les photos du Coach en gestation

[Toms]

C'est mieux que ... car ici nous avons les photos du Coach en gestation

C'est pas faux!


Après les empennages, j’attaque les diagonales des ailes : de grand tubes en acier qui relient les longerons entre eux. Ca, ce n’est pas trop dur. Le train d’atterrissage suivra de la même manière. Je me penche ensuite sur les commandes de vol, et là, un problème se pose : les plans sont assez évasifs sur le sujet. Et pour cause… A l’usine, la production est optimisée. Il existe des bâtis pour construire la plupart des guignols de renvoi, et plus personne n’utilise les plans. Si j’avais acheté un kit standard, ces guignols seraient arrivés tout faits !
Je vais donc reprendre les échanges de fax avec Kurt (ni lui, ni moi n’avons internet à cette époque), lesquels échanges se poursuivront jusqu’à la fin de la construction. Kurt n’est pas technicien, ni même grand bricoleur, mais il se débrouille toujours pour m’envoyer le schéma ou la photo qui me sort de la panade.

[Toms]

Comme j'ai fait du dessin industriel dans mon jeune temps, je m'empresse de transformer le schéma en plan:

[Toms]

Je prépare ensuite les longerons des ailes. Il faut insérer des portions de tubes découpés à l’intérieur des tubes principaux. Ca coince tellement que je dois utiliser un cric hydraulique ! Je profite ensuite des vacances que ma femme et les enfants vont passer chez belle-maman pour faire une OPA sur la pièce principale de la maison. En effet, vu leur taille, les ailes ne tiennent pas dans le garage. Et de toute façon, le fuselage y est déjà ! J’installe donc un plan de travail dans le séjour, et je commence à positionner les longerons et leur cohorte de nervures. Le moins que l’on puisse dire est que ça prend de la place !

[Toms]

Les nervures en bois sont colées à l’époxy sur les tubes en aluminium, eux-mêmes rigidifiés par les diagonales en acier. Quand les deux ailes sont assemblées et sèches, je les suspends au plafond du séjour… Il n’y a que là qu’elles tiennent! Au retour, ma femme est un peu surprise, mais pas choquée au demeurant. Elle est souple, ma femme !

Ces ailes au plafond seront d’ailleurs à l’origine de nombreux fous rires. Il va de soit que la nouvelle de ma construction et de mes stockages exotiques a parcouru le cercle de nos amis. Et plus d’un est venu boire un coup à la maison, discuter sous les ailes pendant dix bonnes minutes, pour finir par demander : « Bon, alors, elles sont où, ces ailes ? » Elles ont fini par faire partie de la décoration. Quel vide lors de la première mise en croix ! Les ailes étant au plafond, je continue à y ajouter différents éléments : les chapeaux de nervure, des bouts de bois par-ci par-là.