Les instructeurs (et les autres) sont-ils conscients des risques qu’ils prennent ?

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alainrac
Messages : 7
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Les instructeurs (et les autres) sont-ils conscients des risques qu’ils prennent ?

Message par alainrac »

Ont-ils bien réalisé à quel point notre société c’est « judiciarisée », suivant l’exemple des USA ?
Savent-ils que dans leur activité, souvent bénévole, une petite différence entre ce qu’ils ont écrit sur les papiers de test ou le cahier de progression et ce qui est stipulé sur les textes réglementaires peut les mener, en cas d’accident, à la ruine et la confiscation de leur patrimoine ?
Peut-être les jeunes ont-ils été plus sensibilisés à ces éventualités, comme j’ai pu le constater en Ligne, car j’ai remarqué à maintes reprises lors de ma carrière que des décisions de jeunes pilotes étaient souvent d’avantage motivées par d’éventuels risques judiciaires plutôt que par le bon sens ou l’expérience du bon artisan-pilote, et je pourrais donner beaucoup d’exemples anecdotiques à ce sujet, comme certainement beaucoup de CDB de ma génération.

Voici un cas précis, c’est le mien : Entré en compagnie après dix ans d’aviation d’affaire dans la petite société que j’avais fondée à Lyon, j’avais proposé à mon successeur et ami de continuer à faire les contrôles compagnies (hors lignes et en ligne) ainsi que les renouvellements de QT et d’IFR des pilotes à titre bénévole, jusqu’à ce qu’il trouve un successeur instructeur de classe CRE/CRI pour me remplacer.
Avec l’autorisation de mon employeur, je procédais ainsi, en aout 2006, aux contrôles En Ligne et Hors ligne sur Beech 90 d’un nouveau pilote embauché se prévalant des conditions demandées par l’employeur, soit plus de 500 h sur le type, avec la qualification d’Instructeur de Classe afin de prendre ma suite pour effectuer les contrôles des pilotes.

Pour effectuer ces contrôles d’entrée en Compagnie (Stage d’Adaptation à l’Entreprise) comprenant des cours théoriques et Contrôles en vol dont j’étais chargé ce jour là, nous avions une opportunité inhabituelle, en effet, un vol de mise en place à Palma de Majorque pour aller chercher des passagers et les ramener à Nice, deux destinations avec fort trafic en Aout, phraséologie en anglais, opérations commerciales avec vrais passagers au retour, donc l’occasion de bien tester un nouveau pilote en conditions réelles plutôt que de faire les habituels petits « sauts de puces » à vide sur les aérodromes autour de Lyon. Pour faire bon poids, nous avons fait une étape à Cannes au retour de Nice, et un retour à Lyon-Bron en VFR avec exercices de maniabilité lors de ce retour et en tours de pistes à l’arrivée.
Tous les exercices ayant été effectués sur 6h15 de vol, les contrôles ont été validés…

Hélas, fin octobre suivant, crash au décollage de nuit à Besançon-la-Vèze faisant 4 morts, mise en examen du gérant, puis de moi 4 ans après, puis 10 ans après d’un agent de la DGAC car la licence du pilote avait été validée à tort, car ayant échoué à l’examen complémentaire d’anglais imposé par les nouvelles licences européennes.

Que m’est-il reproché ? d’avoir, bien que les contrôles aient été validés le même jour et tous les exercices effectués, il apparaît que le contrôle En Ligne a été effectué sur la première étape effectuée en IFR , alors que le JAR OPS 1 stipule que le contrôle En Ligne doit être effectué en dernier, ce qui a une logique dans le cadre de l’Adaptation En Ligne d’un pilote nouvellement qualifié sur le type et opérant en équipage, puisque l’AEL s’effectuant avec des passagers, il faut bien que le nouveau pilote soit capable de traiter les pannes en équipage, alors que sur un avion mono-pilote sur lequel il n’y a pas de formation au travail en équipage propre à chaque Compagnie, le traitement des pannes se fait en accord avec les prescriptions du Manuel de Vol rédigé par le constructeur, est le même d’une Compagnie à l’autre, et combien même le pilote testé s’avèrerait incapable de gérer la panne lors du vol de contrôle avec des passagers, l’examinateur étant qualifié sur le type peut alors reprendre la main (et ajourner le candidat, bien sûr).
C’était aussi pour cette raison que j’étais CDB sur l’étape avec passagers, bien qu’ayant délégué la fonction pilotage au candidat testé.

- L’état de l’épave n’a pas permis de mettre en évidence une panne, et on ne connaît pas les causes du crash…
- Une erreur du pilote n’a pas pu être mise en évidence faute d’enregistreur de vol, à noter qu’en place droite se trouvait un autre pilote accompagnateur, certe non qualifié sur BE90, mais CDB dans la compagnie sur DA42, ayant plus de 3000h de vol et avec Q.T A320
- La conformité des contrôles en vol du pilote ont été validés par la DGAC, aussi bien lors d’un audit effectué dans la Compagnie après l’accident que lors d’une consultation des experts de la DSAC/PN

Pourtant, un lien de causalité a été trouvé par la Cour en première instance du tribunal de Besançon, confirmant en appel le mois dernier pour les trois prévenus les peines de 3 ans de prison avec sursis, cette dernière ayant cependant reconnu son incompétence pour les dédommagements au civil en application de la Convention de Varsovie.
Les parties civiles, qui ont dédommagé les victimes (association de blessés, caisses de retraites et d’allocations familiales) se pourvoient en cassation, voyant leur échapper les millions d’euros auxquels nous étions condamnés en première instance.

Ce que je voulais faire savoir : pour une écriture, un mot mal placé dans un compte-rendu, la vie peut basculer, pour ma part, c’est 12 ans de procédures, plus d’une centaine de millier d’euros en frais d’avocats et de procédures, une dépression, un divorce, et la perte probable de tout mon patrimoine, saisie de mes biens et de ma pension de retraite, de rien laisser que des dettes à mes enfants et finir ma vie avec 600 euros par mois.

Amis instructeurs, réfléchissez avant de vouloir rendre service, et cela peut même s’appliquer au bon samaritain qui emmène un jeune en baptême de l’air dans son ULM, en cas d’accident, peut-il prouver que son moteur Rotax n’a pas dépassé le potentiel calendaire ? a-t-il été entretenu selon le Manuel Constructeur et par une personne reconnue comme qualifiée par ce constructeur ?
Autant de questions qui seront examinées lors de l’instruction, et même si la victime ou sa famille de porte pas plainte, il y a fort à parier que l’Etat se portera partie civile…

Personnellement, je n’emmène plus personne dans mon ULM (j’ai vendu mon avion pour payer l’avocat), ne prends plus d’autostoppeurs, et dans tous mes actes, je deviens obnubilé de manière paranoïaque par les suites possibles de mes actes…

Alain Racoupeau
Pilote de Ligne, instructeur, pilote planeur, ULM, qualifié montagne, voltige, hydravion.
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Gabinger
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Re: Les instructeurs (et les autres) sont-ils conscients des risques qu’ils prennent ?

Message par Gabinger »

Bonjour, je suis bien conscient de ce que vous nous expliquez.
J'ai eu une expérience, qui bien que moins grave, m'a fait "sentir le vent du boulet" en tant qu'instructeur paramoteur. Je ne vais pas m'étendre dessus j'en ai déjà parlé ici, mais pour faire simple un ancien élève qui me loue une machine pour un petit vol, qui se plante, et qui m'attaque pour obtenir des dommages et intérêts.
3 ans de procédure, j'ai dû tout justifier, facture de mon matériel, homologation de la voile, position dans la fourchette, adequation du matériel aux circonstances etc... heureusement tout était absolument parfait et l'infame personnage n'a pas touché un rond!
J'ai bien compris la leçon, j'ai arrêté définitivement l'instruction parapente et paramoteur ainsi que les vols biplaces contre rémunération.

Je compatis pour votre cas.

Gabriel.
Asso 4 - moteur lycoming basé à Albenga - Italie
Auteur du livre Monaco Pekin en paramoteur http://amzn.eu/d/eUScJ28
Concept NS
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Re: Les instructeurs (et les autres) sont-ils conscients des risques qu’ils prennent ?

Message par Concept NS »

Maintenant j'ai un monoplace!
magic
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Re: Les instructeurs (et les autres) sont-ils conscients des risques qu’ils prennent ?

Message par magic »

Ça refroidit
Je ne lis pas souvent le messages trop long mais là J'ai tout lu. C'est vraiment moche.
Je compatis également et vous présente tous mon réel soutient.
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fran606
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Re: Les instructeurs (et les autres) sont-ils conscients des risques qu’ils prennent ?

Message par fran606 »

Bonjour,

je compatis, tout perdre à cause de détails dans les procédures, c'est vraiment moche.

Merci du conseil, il faut devenir méfiant, même ce qu'on dit en privé, pour peu que ce soit filmé à notre insu, peut donner des problèmes.

Je pense que l'aviation certifiée est pire que l'ULM, c'est pour ça que beaucoup l'ont quittée vers l'ULM.
Mais ça ne met pas non plus l'ULM à l'abri de plaintes.

Si ça continue, le principe de précaution de plus en plus en vogue finira par interdire tout ce qui présente un risque : avion, puis ULM, puis moto et voiture. Au 19e siècle, les mêmes auraient interdit les trains et l'électricité.

Fran606
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jean66
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Re: Les instructeurs (et les autres) sont-ils conscients des risques qu’ils prennent ?

Message par jean66 »

Merci de ce recit et retour, je connaissais cette possibilité, la laisse pantois !! surtout quand je suis entrain de finir ma formation d instructeur ULM aux nouvelles normes 2018, soit quasiment du FI en fait .. Et en fait courir ce genre de risque, je vient de passer la cinquantaine, ca fait peur ! :cry: :|
SINUS 912, Perpignan LFMP
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bebe44
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Re: Les instructeurs (et les autres) sont-ils conscients des risques qu’ils prennent ?

Message par bebe44 »

C'est très oppressant de constater les dérives juridiques en ce monde de chercheurs de profits.
Le risque zéro n'existant pas, je ne suis pas instructeur mais je suis défini comme constructeur de mon Jodel 18UL.
La construction amateur d'un appareil quel qu'il soit n'est pas faite à 100% selon les plans du concepteur.
L'entretien de l'appareil doit être aussi très suivi mais comment le prouver ?
Aujourd'hui, si je décidais de me séparer de mon Jodel D18UL, je pense que ce serait un don à un musée avec une notification d'interdiction de le mettre en vol.
Je ne suis pas seul à penser ainsi.
Paranoïa :?:
Avec le retour d'expérience d'Alain, nous pouvons dire que les jours à venir ne seront pas sereins si ... :cry:
Bernard
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PTLACALAMINE
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Re: Les instructeurs (et les autres) sont-ils conscients des risques qu’ils prennent ?

Message par PTLACALAMINE »

Ayant eu un accident en 2015... destruction de la machine et blessures pour moi , j'ai eu droit à une enquête de gendarmerie poussée avec contrôle approfondi de l'état de l'épave , contrôle des documents de bord et du suivi de l'entretien... Surprise : quelques mois après j'ai reçu un courrier du tribunal me faisant savoir qu'il y avait un abandon de toute poursuite car pas de dégâts ou blessure autres que pour moi !!! je n'ose imaginer ce que cela aurait été si j'avais eu un passager ! Depuis j'ai pris la décision de voler seul et surtout de plus emmener de passagers même membres de la famille. Donc maintenant il faut bien réfléchir avant de prendre la décision d'emmener un passager...
Michel -GT-BI 503 XP12
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Marc B
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Re: Les instructeurs (et les autres) sont-ils conscients des risques qu’ils prennent ?

Message par Marc B »

Je sais aussi pourquoi je vole le plus souvent seul.
J'aurais aussi pu emmerder juridiquement un instructeur (l'histoire est connue et je ne reviendrai pas dessus).
Je ne l'ai pas fait car je sais trop ce que la justice en aurait fait et les ennuis qui vont avec.
Je suis peut être très c.. mais on ne casse pas un homme juste pour récupérer un peu de pognon. Surtout que l'assurance a parfaitement joué son rôle.
Naïf? surement.
Marc
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Luciano
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Re: Les instructeurs (et les autres) sont-ils conscients des risques qu’ils prennent ?

Message par Luciano »

Non, simplement honnête !

Mais ça se perd ...

Bons vols,
Luciano
Ne soyons pas l'homme d'un seul livre !
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Korn
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Re: Les instructeurs (et les autres) sont-ils conscients des risques qu’ils prennent ?

Message par Korn »

+1

Et correct
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luc 27310
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Re: Les instructeurs (et les autres) sont-ils conscients des risques qu’ils prennent ?

Message par luc 27310 »

Marc, tu es un saint!

Bons vols.
Luc
Skyranger Synergie de 1995, rotax 582.
bebe44
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Re: Les instructeurs (et les autres) sont-ils conscients des risques qu’ils prennent ?

Message par bebe44 »

Depuis un certain temps, au regard de toutes les difficultés rencontrées par les uns et les autres, je n'emmène plus que mon épouse quand elle est décidée et cela devient rare.
Je pense aussi revenir à une assurance monoplace, plus de tentation de prendre de passager.
Maintenant, si je changeais mon Jodel pour un appareil de construction professionnelle, je serais peut-être moins inquiet en terme de responsabilité machine, quoique l'entretien sera toujours soumis à caution. :roll:
Vivement le beau temps qu'un vent d'optimisme souffle dans nos espaces de vol.
à vous lire sur ce sujet.
bb
menjod
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Re: Les instructeurs (et les autres) sont-ils conscients des risques qu’ils prennent ?

Message par menjod »

Avant toutes conclusions hâtives voir rapport du BEA
L'imagination vaut bien des voyages et elle coûte moins cher. G.W.C
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