FUEL a écrit :Voici quelques réflexions sur les moteurs réductés et les moteurs à prise directe pour lancer un débat et lancer des vocations pour ceux qui ont les moyens de les comparer...
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Hello, FUEL !
Sans blagues, avec un surnom comme cela, tu dois péter le feu !
Bon, soyons sérieux : tu ouvres une boîte de Pandore, là, avec un tel sujet ! Bien difficile de te répondre sans risquer une avalanche de quolibets de la part des ultra-conservateurs...
Je vais cependant me laisser tenter à te répondre le plus clairement possible, sans pontifier outre mesure... en tous cas, je vais m'y essayer !
Ta réflexion :
Les moteurs sans réducteurs répondent très certainement à un objectif de fiabilité maximum : Un moteur qui tourne lentement est un moteur plus fiable.
Ma réponse :
Ce n'est pas aussi simple que cela y paraît de prime abord.
Les moteurs directs (sans réducteurs) utilisés dans notre domaine ULM sont d'une conception ancienne issue de celle des "petits" moteurs d'avion.
Or, les dits moteurs d'avion (Conti, Lyco, et moteurs d'auto avionnés VW, Limbach, Sauer...) ont des origines pour le moins archaïques : à l'origine, moteurs de moissonneuses-batteuses du Middle-West pour les Conti et Lyco, moteur de bagnole "Cox" VW datant des années 35... copiés et recopiés, la formule a fait florès... jusque maintenant, avec leurs descendants UL Power ou Jabiru !
A l'origine, ces moteurs devaient être des produits économiques (Volks Waggen = voiture du peuple).
D'où un minimum de pièces en fonctionnement. La faible vitesse de rotation d'origine était liée aux médiocres graissages et aux non moins médiocres métallurgies d'alors.
MAIS les puissances recherchées déjà à l'époque imposaient de fortes cylindrées
PUISQUE les vitesses de rotation étaient obligatoirement (relativement) faibles !
Et pourquoi, me diras-tu ?
Tout simplement à cause d'une loi physique incontournable : un gramme d'essence en brûlant dans l'oxygène dégage une quantité constante d'énergie.
D'où une pression identique sur le piston par gramme brûlé, d'où un couple identique (au centimètre carré) disponible !
(A ne pas oublier que la puissance recherchée est le produit du couple par la vitesse de rotation !)
Ce qui implique qu'un moteur de 2 litres de cylindrée produira la moitié de la puissance que pourra fournir un moteur de 4 litres, à vitesse de rotation et à taux de compression identiques, en négligeant les inévitables écarts de frottements mécaniques.
D'où de fortes cylindrées : un moteur référence d'avion (O200, 100 Cv, le seul pouvant être utilisé en ULM) présente une cylindrée de 200 pouces-cube, soit environ 3277 cm3... On croit rêver : 100 Cv litres pour 3,28 L, cela nous fait du 30,5 Cv au litre !
Contrepartie de ces fortes cylindrées : il faut de gros pistons, des bielles longues et un vilebrequin énorme... et pour contenir tout cela, des culasses balaizes, des cylindres monstrueux et un carter gigantesque !
Du poids, du poids, du poids !
Mais avantage de ces mêmes faibles vitesses de rotation : On demeure dans un régime raisonnable de la vitesse de bout de pale de l'hélice entraînée... bien inférieur à la vitesse du son, vitesse vers laquelle le bruit devient épouvantable et le rendement tractif ridicule.
Avec les moteurs plus récents (Limbach, Sauer, ULPower, Jabiru) qui se réclament de cette architecture, on constate une diminution des cylindrées avec une augmentation des régimes de rotation (a puissances identiques)... et avec une diminution des diamètres d'hélices adaptées concommitants, vitesses de bouts de pales obligent.
Ta réflexion :
L'absence de réducteur correspond très certainement à un objectif de légèreté...
Ma réponse :
Je ne le crois pas. Je pense que l'architecture directe a été nécessitée à l'origine par la question économique de fournir des moteurs à bas coût, et peut-être aussi par les contraintes métallurgiques et de lubrification de l'époque.
Encore que... sur ce dernier point, on pourrait en débattre longuement... car les engins (Pratt & Whitney, Merlin, Allison, Wright...) destinés à la chose militaire étaient tous, eux, réductés, mais étaient tous, eux aussi, soumis aux même contraintes métallurgiques et de lubrification, bien que ce fut certainement à moindre incidence économico-financière, utilisation guerrière oblige !
Et cette architecture simpliste a perduré, grâce à de multiples "bonnes" raisons, dont je citerai quelques unes, entendues ici ou là :
- Un moteur d'avion c'est à plat,
- Un moteur d'avion, c'est en prise directe,
- Un moteur d'avion, plus c'est simple, mieux c'est...
- Ce qui n'existe pas ne tombe pas en panne...
Etc., etc., ad nauseam, avec en corrollaire stupide : moins y'a de choses, moins ça tombe en panne !
Ce qui est évident : tu supprimes tout, y compris l'avion (l'ULM), et y'a plus de morts liés à ces activités...
Dire qu'il y à des connards pour répéter ces imbécillités à l'envi, et malheureusement ils sont parmi les pilotes...
Maintenant, quant à ton interrogation sur "un soucis de légèreté", je dirai qu'il suffit de comparer ce qui est comparable :
Moteur O200 100 Cv direct, le seul utilisable en l'ULM, poids à sec environ 105 kg, conso moyenne à 75% de la Puissance max : 23 L/H (données Conti),
Moteur Rotax 912 S réducté 1:2,43, poids à sec avec bâche à huile et air box environ 65 kg, conso moyenne à 75% de Pmax : 18,5 L/H (données Avirex).
C'est toute la différence entre une ancienne technologie et une plus récente. L'économie de poids est directement liée à la plus faible cylindrée (1,35 L au Rotax (soit 74 Cv/L), contre 3,28 L au Conti (30,5 Cv/L), et la présence d'un réducteur sur le Rotax influe très peu sur le résultat.
Ta réflexion :
L'éventuelle différence de performances par rapport aux moteurs à réducteurs ne s'expliquerait que par le couple moins élevé des moteurs non réductés (le couple d'un moteur au niveau de l'arbre d'hélice est multiplié par le taux de réduction). Tout est peut-être contrebalancé par le gain de poids.
Ma réponse :
Non, là encore, c'est une croyance répandue mais erronée.
Je l'ai exposé plus haut : Un mélange essence/air optimal, pour un même taux de compression, donne une certaine énergie. Cette énergie est reçue par le piston SUR TOUTE SA SURFACE, et transformée en couple sur la sortie vilebrequin.
Plus la cylindrée est élevée, plus la surface du piston est grande, donc plus le couple total est élevé.
Dans un moteur réducté de bien plus faible cylindrée, qui peut tourner vite qu'un moteur direct, si le couple sur le piston est identique par cm2 (à taux de compression du mélange identique, je l'ai déjà écrit), la surface du piston étant plus petite que dans le moteur direct, le couple total résultant en sortie de vilebrequin est plus faible.
Le réducteur (de vitesse de rotation) placé en bout de vilebrequin a pour effet de MULTIPLIER le couple du moteur par le taux de réduction (au rendement du réducteur près), mais en DIMINUANT la vitesse de rotation du même taux.
Tout le monde connaît le principe du réducteur : boîte de vitesses auto, taux de réduction élevé en 1ère, couple énorme... mais vitesse de rotation max vite atteinte ! D'où les autres vitesses 2ème, 3ème, 4ème, etc... qui sont autant de rapports de réduction décroissants pour un même couple moteur !
En fait, comme je l'ai exposé précédemment, la différence de performances est bien plus liée à l'amélioration technologique (métallurgie, lubrifiants, gestion de l'alimentation et de la combustion) et à la miniaturisation ("downsizing" en anglais), qu'à la présence ou non d'un réducteur.
Ta réflexion :
Des comparaisons précises mériteraient d'être effectuées pour mesurer les performances d'aéronefs strictement identiques équipés de ces deux types de moteur de même puissance.
Ma réponse :
Je suis tout-à-fait d'accord avec toi.
Qui c'est qui s'y colle ?
Ta réflexion :
Quelque chose me dit que si les constructeurs de moteur à prise directe n'ont pas installé un réducteur, c'est que le gain en performances n'est pas extrêmement important : Le gain en couple ne vaut peut-être pas la dégradation des performances causées par le surcroit de 8 à 12 kg d'un réducteur.
Ma réponse :
Je ne crois pas. Les motoristes ont joué sur le velours avec ce dont ils disposaient, bien aidés en cela par le conservatisme effréné des utilisateurs, et en ont profité pour vendre à des prix prohibitifs des matériels amortis depuis bien longtemps. Tout cela sans se casser le troufignon, sans lancer de nouvelles études et recherches, mais en faisant des bénéfices pharaoniques.
Puis Rotax est arrivé, comme Zorro, et a fichu un sacré coup de pied dans le tas. Et a vendu ces dernières années plus de moteurs que Conti et Lyco réunis...
Un Rotax, c'est moins lourd, c'est plus économique en conso, et ça a le même TBO qu'un moteur avion certifié !
Maintenant, un petit retour en arrière...
Rotax n'a rien inventé. Rotax n'a fait qu'utiliser des technologies modernes avec de vieilles architectures... parce que c'est le moindre mal à infliger aux conservateurs, tout en ouvrant le marché !
On reste encore avec ces moteurs à plat, culbutés, à carbus... et au maître couple excessif !
Où sont les progrès de l'injection moderne ?
Où sont les moteurs en ligne, ou en V, offrant un meilleur maître-couple, et par là même une moindre traînée d'aéronef ?
Que sont devenus les acquis des moteurs d'automobile (des centaines de millions sur la planète) avec tout simplement... le volant moteur ?
TOUS les manuels de mécanique précisent que jusqu'à 8 cylindres au moins, il faut un volant pour équilibrer le cycle moteur... coût : un peu de poids, certes.
Mais gain : moins de vibrations, d'où structure de cellule plus légère, couple plus constant, d'où réducteur plus léger et hélice moins sollicitée, et donc elle aussi plus légère... simple déplacement de poids, mais avec plein de gains et de confort possibles...
Et pour en terminer avec mon petit pensum : TOUS les moteurs à piston utilisés pendant la WWII étaient réductés... les Merlin des Spitfire, des Lancaster, des Mustang, les Allison des Lightning et des Warhawk, les Wright des B17 et des DC3, les Pratt & Withney des B24 et des B29, des Corsair et des Hellcat, les Mercedes des Messerscmidt, les BMW et les Jumo des Focke-Wulf...
Des centaines de milliers de moteurs tous réductés... sur lesquels reposaient des dizaines de milliers de vies humaines !
Voilà. J'ai été fort long. C'est un sujet sur lequel je suis volontiers disert. J'espère simplement ne pas avoir trop lassé le lecteur...
... et je rappelle qu'il ne s'agît là que de mon analyse personnelle, à partir de ma culture, de mes connaissances, et de ma sensibilité propres.
Rien à cirer de la volée de bois vert prévisible : J'ai endossé le gilet pare-balles et le casque lourd !
